Le « rabaska » canadien
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a.piot
Alain Fosse (†)
G. Delacroix
Francis Jonet
Dumas
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Marine et Modélisme d'Arsenal :: L'ARSENAL, Architecture Navale traditionnelle :: Navires spécifiques
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Le « rabaska » canadien
Bonjour.
Je vous présente les premiers résultats d'un projet que je nourrissais depuis fort longtemps, à savoir le « rabaska », le véhicule mythique de la découverte de l'Amérique septentrionale, de l'Atlantique au Pacifique. L'inspiration est évidemment amérindienne, mais l'adaptation que je vous présente est celle des coureurs de bois canadiens-français et des Métis. Le rabaska était connu également sous les noms de « canot de maître », « canot des voyageurs », « canot de Québec » ou « grand canot ». C'est le véhicule qui a permis la découverte de l'Amérique du Nord, l'embarcation par excellence du commerce des fourrures et des grands voyages de découverte à l'intérieur de ce continent. Du XVIIe au début du XXe, ce « grand canot d'écorce » a navigué le Saint-Laurent, le Saguenay, l'Outaouais, les Grands Lacs canadiens, les lacs Nipissing, Arthabaska, etc. On le retrouve également le long des côtes des océans Atlantique, Pacifique et Arctique.
Les plus petits mesuraient 25 pieds, les plus grands 40 pieds voire 45. On pouvait y placer jusqu'à 10,000 livres de marchandises et une quinzaine de rameurs. Celui que j'ai entrepris de reconstituer mesurait 31 pieds (le standard). Pour y arriver, j'ai utilisé comme critères de base les notes tirées d'un contrat –très succinct– signé à Québec le 5 juin 1700, entre l'intendant Jean Bochart Seigneur de Champigny et un charpentier de navire de Québec. Je les ai appliqués à des sources iconographiques (entendons des dessins et des peintures) produites in situ entre 1800 et 1880. Pour comprendre la technique de fabrication, j'ai eu l'occasion d'étudier, pendant une journée complète, le canot rabaska attikamewk, conservé et présenté au Musée de la Civilisation de Québec (qui a été d'une belle générosité et que je remercie). Ce canot a été construit dans les années 1950 par l'Indien Siméon Awashish, et a été restauré voilà quelques années par son petit-fils.. C'est le seul exemplaire authentique qui a survécu à l'érosion et au poids du temps. Sous le Régime français, les grands canots étaient construits à Québec ; sous le Régime anglais, à Trois-Rivières.
Mon modèle réduit est un essai, une recherche pour tenter de redécouvrir ce qui a été si bêtement perdu dans notre mémoire collective. Pour moi, qui suis Métis canado-amérindien, on peut même parler d'une quête. Il est à l'échelle 1/20. Les matériaux utilisés sont évidemment le frêne, pour les varangues, le tilleul pour les serres-beauquières, les préceintes et les plats-bords. Pour le recouvrement, j'ai pris de l'écorce de bouleau blanc telle qu'utilisée à l'époque. Si les Indiens prenaient de la racine de sapin attendrie dans de l'eau bouillante pour faire le laçage, j'ai préféré prendre de la corde de chanvre, ce que suggère l'analyse des documents iconographiques qui sont merveilleusement explicites. Ces canots étaient de toute beauté et les propriétaires rivalisaient entre eux pour les décorer de symboles divers. La voile était évidemment rudimentaire et était amovible (ici, je remercie Monsieur Delacroix pour ses généreux conseils). Pour les rames, il y en avait deux longueurs. : les petites pour les rameurs, et une grande pour celui qui faisait office de gouvernail.
Dumas
Je vous présente les premiers résultats d'un projet que je nourrissais depuis fort longtemps, à savoir le « rabaska », le véhicule mythique de la découverte de l'Amérique septentrionale, de l'Atlantique au Pacifique. L'inspiration est évidemment amérindienne, mais l'adaptation que je vous présente est celle des coureurs de bois canadiens-français et des Métis. Le rabaska était connu également sous les noms de « canot de maître », « canot des voyageurs », « canot de Québec » ou « grand canot ». C'est le véhicule qui a permis la découverte de l'Amérique du Nord, l'embarcation par excellence du commerce des fourrures et des grands voyages de découverte à l'intérieur de ce continent. Du XVIIe au début du XXe, ce « grand canot d'écorce » a navigué le Saint-Laurent, le Saguenay, l'Outaouais, les Grands Lacs canadiens, les lacs Nipissing, Arthabaska, etc. On le retrouve également le long des côtes des océans Atlantique, Pacifique et Arctique.
Les plus petits mesuraient 25 pieds, les plus grands 40 pieds voire 45. On pouvait y placer jusqu'à 10,000 livres de marchandises et une quinzaine de rameurs. Celui que j'ai entrepris de reconstituer mesurait 31 pieds (le standard). Pour y arriver, j'ai utilisé comme critères de base les notes tirées d'un contrat –très succinct– signé à Québec le 5 juin 1700, entre l'intendant Jean Bochart Seigneur de Champigny et un charpentier de navire de Québec. Je les ai appliqués à des sources iconographiques (entendons des dessins et des peintures) produites in situ entre 1800 et 1880. Pour comprendre la technique de fabrication, j'ai eu l'occasion d'étudier, pendant une journée complète, le canot rabaska attikamewk, conservé et présenté au Musée de la Civilisation de Québec (qui a été d'une belle générosité et que je remercie). Ce canot a été construit dans les années 1950 par l'Indien Siméon Awashish, et a été restauré voilà quelques années par son petit-fils.. C'est le seul exemplaire authentique qui a survécu à l'érosion et au poids du temps. Sous le Régime français, les grands canots étaient construits à Québec ; sous le Régime anglais, à Trois-Rivières.
Mon modèle réduit est un essai, une recherche pour tenter de redécouvrir ce qui a été si bêtement perdu dans notre mémoire collective. Pour moi, qui suis Métis canado-amérindien, on peut même parler d'une quête. Il est à l'échelle 1/20. Les matériaux utilisés sont évidemment le frêne, pour les varangues, le tilleul pour les serres-beauquières, les préceintes et les plats-bords. Pour le recouvrement, j'ai pris de l'écorce de bouleau blanc telle qu'utilisée à l'époque. Si les Indiens prenaient de la racine de sapin attendrie dans de l'eau bouillante pour faire le laçage, j'ai préféré prendre de la corde de chanvre, ce que suggère l'analyse des documents iconographiques qui sont merveilleusement explicites. Ces canots étaient de toute beauté et les propriétaires rivalisaient entre eux pour les décorer de symboles divers. La voile était évidemment rudimentaire et était amovible (ici, je remercie Monsieur Delacroix pour ses généreux conseils). Pour les rames, il y en avait deux longueurs. : les petites pour les rameurs, et une grande pour celui qui faisait office de gouvernail.
Dumas
Dumas- Messages : 633
Date d'inscription : 22/08/2010
Localisation : Chicoutimi, Canada
Re: Le « rabaska » canadien
Très riche idée de modèle.
Bravo.
Bravo.
_______________________________________________
Francis
Francis Jonet- Modérateur
- Messages : 9328
Date d'inscription : 24/05/2010
Localisation : Moulin-Neuf - Ariège
Re: Le « rabaska » canadien
Ah, voilà donc l'objet, fruit de vos recherches. Je ne le pensais pas si avancé.
Félicitations pour ce modèle original.
Il faudra que je vous montre un jour un superbe canoë fabriqué par un ami de Calgary.
Félicitations pour ce modèle original.
Il faudra que je vous montre un jour un superbe canoë fabriqué par un ami de Calgary.
Re: Le « rabaska » canadien
Joli modèle, Dumas, comme toujours. Si j'ai bien compté, au 1/20, il doit faire dans les 47 cm et des poussières. Une taille respectable pour ce joli canot' chargé d'histoire.
Re: Le « rabaska » canadien
Merci d'avoir pris le temps d'apprécier,
Je sais qu'il n'y a rien de compatable avec la finesse d'exécution de la charpenterie navale européenne. Une coquille d'oeuf faite d'un peu de bois, d'écorce de bouleau et de racines de sapin. Le calfeutrage avec de la gomme d'épinette fondue et appliquée à la spatule. Dans les meilleurs cas, ces canots pouvaient durer 6 mois. À la fin de chaque journée, il fallait réparer, refaire, solidifier. Ces canots ne pouvaient souffrir d'accostage conventionnel.
Je me souviens que lorsque j'ai fait des fouilles archéologiques , en 1980, sur le site du poste de traite d'Ashupmushuan, que les anciens y avaient aménagés une plage de débarquement large comme un canot d'écorce. Le canot arrivait sur ce sable fin et était hissé sur la terre ferme sitôt soulagé de ses voyageurs et de ses effets. Autre problème, le soleil. Si le canot devait passer une journée hors de l'eau, ventre en lair, il fallait le recouvrir d'une bâche, de couvertures ou de peaux.
Et il faut préciser que les modèles évoluaient avec le temps, qu'il y avait une manière de faire pour chacune des petites nations indiennes : canot algonquin, montagnais, huron, iroquois, etc... Et chaque constructeur avait ses secrets. Le plus difficile a été de comprendre comment était faite la pince et comment le tout était assemblée. Comment travailler l'écorce de bouleau au 1/20 de l'épaisseur qui devient alors du papier de soie a été un autre défi ? Les données anciennes disent comme épaisseur : 3 épaisseurs d'écu pour les varangues, deux écus pour l'écorce, un écu pour les bordées qui n'étaient placés qu'a serre entre l'écorce et les varangues, et encore que sur le fond et le retour des côtés. On comprendra que les Français canadiens ont su adapter l'archaïsme à la solidité. C'est cette technique de l'assemblage qui m'intéressait.
Ah oui, j'oubliais de vous dire ! Chaque rameur avait sa rame et ses motifs personnels. Il y avait un code de couleurs et de signaux...
Autre difficulté, la compréhension de la voile. Chaque illustration montre une voile un peu différente. La simplicité dans la simplicité ! Pas de poulies ni mouton, que des cordelettes et une toile sur un poteau grossier...
Dumas
En image, le rabaska du Musée de la civilisation. Pour pouvoir étudier ce modèle, il m'a fallu attendre six mois après la permissions des anciens du village attikamewk. Même aujourd'hui, l'objet conserve ses secrets. La première photo est de moi, et la secondu du Musée de la Civilisation. Remarquez, sur la seconde le côté primaire de la manière indienne. Les peinture de France Anne Hopkins, réalisée in situ vers 1870, nous montrent des produits canadiens et non amérindiens, le sommet dans la chaîne de l'évolution des rabaskas.
ÉCORCE DE BOULEAU BLANC
LA MANIÈRE D'ASSEMBLER LES PIÈCES d'ÉCORCE
Pour être en mesure de la faire tenir, il m'a fallu user d'une astuce et de coller les feuilles d'écorce sur une feuille de papier fait main..
Je sais qu'il n'y a rien de compatable avec la finesse d'exécution de la charpenterie navale européenne. Une coquille d'oeuf faite d'un peu de bois, d'écorce de bouleau et de racines de sapin. Le calfeutrage avec de la gomme d'épinette fondue et appliquée à la spatule. Dans les meilleurs cas, ces canots pouvaient durer 6 mois. À la fin de chaque journée, il fallait réparer, refaire, solidifier. Ces canots ne pouvaient souffrir d'accostage conventionnel.
Je me souviens que lorsque j'ai fait des fouilles archéologiques , en 1980, sur le site du poste de traite d'Ashupmushuan, que les anciens y avaient aménagés une plage de débarquement large comme un canot d'écorce. Le canot arrivait sur ce sable fin et était hissé sur la terre ferme sitôt soulagé de ses voyageurs et de ses effets. Autre problème, le soleil. Si le canot devait passer une journée hors de l'eau, ventre en lair, il fallait le recouvrir d'une bâche, de couvertures ou de peaux.
Et il faut préciser que les modèles évoluaient avec le temps, qu'il y avait une manière de faire pour chacune des petites nations indiennes : canot algonquin, montagnais, huron, iroquois, etc... Et chaque constructeur avait ses secrets. Le plus difficile a été de comprendre comment était faite la pince et comment le tout était assemblée. Comment travailler l'écorce de bouleau au 1/20 de l'épaisseur qui devient alors du papier de soie a été un autre défi ? Les données anciennes disent comme épaisseur : 3 épaisseurs d'écu pour les varangues, deux écus pour l'écorce, un écu pour les bordées qui n'étaient placés qu'a serre entre l'écorce et les varangues, et encore que sur le fond et le retour des côtés. On comprendra que les Français canadiens ont su adapter l'archaïsme à la solidité. C'est cette technique de l'assemblage qui m'intéressait.
Ah oui, j'oubliais de vous dire ! Chaque rameur avait sa rame et ses motifs personnels. Il y avait un code de couleurs et de signaux...
Autre difficulté, la compréhension de la voile. Chaque illustration montre une voile un peu différente. La simplicité dans la simplicité ! Pas de poulies ni mouton, que des cordelettes et une toile sur un poteau grossier...
Dumas
En image, le rabaska du Musée de la civilisation. Pour pouvoir étudier ce modèle, il m'a fallu attendre six mois après la permissions des anciens du village attikamewk. Même aujourd'hui, l'objet conserve ses secrets. La première photo est de moi, et la secondu du Musée de la Civilisation. Remarquez, sur la seconde le côté primaire de la manière indienne. Les peinture de France Anne Hopkins, réalisée in situ vers 1870, nous montrent des produits canadiens et non amérindiens, le sommet dans la chaîne de l'évolution des rabaskas.
ÉCORCE DE BOULEAU BLANC
LA MANIÈRE D'ASSEMBLER LES PIÈCES d'ÉCORCE
Pour être en mesure de la faire tenir, il m'a fallu user d'une astuce et de coller les feuilles d'écorce sur une feuille de papier fait main..
Dumas- Messages : 633
Date d'inscription : 22/08/2010
Localisation : Chicoutimi, Canada
Re: Le « rabaska » canadien
Bravo Dumas, encore un très beau modèle
laurent94- Modérateur
- Messages : 978
Date d'inscription : 31/05/2010
Localisation : Arles sur Tech
Re: Le « rabaska » canadien
Bonjour Russel,
C'est superbe comme toujours et tres bien documenté
C'est superbe comme toujours et tres bien documenté
Grandvilliers- Messages : 278
Date d'inscription : 24/05/2010
Localisation : Bretagne Crozon
Re: Le « rabaska » canadien
C'est vraiment bien fait, pas du tout courant comme modèle: bravo!
Didier
didier08 (†)- Messages : 1766
Date d'inscription : 26/05/2010
Re: Le « rabaska » canadien
Bonjour à vous.
En fait, je n'ai jamais vu de modèle réduit de ces canots. C'est de l'archéologie expérimentale. J'y suis arrivé grâce au travail d'exercice que m'a permis la barque armée en guerre de Monsieur Delacroix. Il y aurait un programme à lui seul pour tenter de reconstituer au 1/20 tous les modèles de canots d'écorce fabriqués dans l'Amérique du Nord amérindienne. Nous partons du canot de 12 pieds jusqu'au 45 pieds, du canot de rivière au canot des grands lacs et des fleuves. Ce ne sera qu'à la fin du XIXe début XXe que nous verrons l'emploi d'un quille et l'utilisation d'une toile en lieu d'écorce.
Le système est ingénieux et pratique, et tient compte de la disponibilité des matériaux et des usages. Ainsi, les Montagnais de mon pays avaient un canot court, très léger et aux pinces très rabattues et très robustes.
Dans un modèle réduit, le plus grand défi est le travail de l'écorce de bouleau blanc qui est sec et friable.
Merci d'avoir pris le temps d'apprécier
Dumas
En fait, je n'ai jamais vu de modèle réduit de ces canots. C'est de l'archéologie expérimentale. J'y suis arrivé grâce au travail d'exercice que m'a permis la barque armée en guerre de Monsieur Delacroix. Il y aurait un programme à lui seul pour tenter de reconstituer au 1/20 tous les modèles de canots d'écorce fabriqués dans l'Amérique du Nord amérindienne. Nous partons du canot de 12 pieds jusqu'au 45 pieds, du canot de rivière au canot des grands lacs et des fleuves. Ce ne sera qu'à la fin du XIXe début XXe que nous verrons l'emploi d'un quille et l'utilisation d'une toile en lieu d'écorce.
Le système est ingénieux et pratique, et tient compte de la disponibilité des matériaux et des usages. Ainsi, les Montagnais de mon pays avaient un canot court, très léger et aux pinces très rabattues et très robustes.
Dans un modèle réduit, le plus grand défi est le travail de l'écorce de bouleau blanc qui est sec et friable.
Merci d'avoir pris le temps d'apprécier
Dumas
Dumas- Messages : 633
Date d'inscription : 22/08/2010
Localisation : Chicoutimi, Canada
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