Corvette Dragon 1783 : chirurgien-major Jacques Loué.

Bonjour à tous,

Je me demandais si l'un des membres du Forum aurait en sa possession cet ouvrage paru en 2010 :

Dictionnaire des médecins, chirurgiens et pharmaciens de la Marine / sous la direction de Bernard Brisou et de Michel Sardet ; avec la collaboration de Alain Mounier-Kuhn, Joël Le Bras, Philippe Beau... [et al.]

Je cherche à savoir si le chirurgien-major de la Marine Jacques Loué y figure. Ce chirurgien était à bord de la corvette Dragon fin 1782 - début 1783.

Merci !

Thierry

Bonjour à tous,

Voici une illustration de l'ouvrage en question :



Thierry

Il n'ai pas du tout évident qu'un chirurgien soit embarqué sur une corvette dans les années 1780.

Dans les règlements de la marine du roi, il est prévu pour les corvettes de 6 et de 4 : un chirurgien major (qui peut être un second chirurgien avec le "titre" de chirurgien major) et un aide chirurgien.

Mais de la théorie à la pratique...

Bonjour à tous,

La question n'est pas là puisque sur les rôles de l'époque j'ai trouvé sa date d'embarquement et sa date de débarquement, au cours d'une mission "aller simple" Brest Saint-Domingue, sans escale…

Thierry

Bonsoir,

Je rajoute que le sieur Jacques Loué était sans doute bien "chirurgien-major" et non pas "faisant fonction de", eu égard au montant de sa solde mensuelle : 100 livres.

A titre de comparaison, sur la même corvette, c'est le pacha (enseigne de vaisseau) qui perçoit la plus grosse solde : 168 livres 6 sols et 8 deniers (environ 66 livres au titre de son grade, environ 83 livres au titre de sa fonction de commandant de la corvette, et environ 18 livres au titre de sa fonction de "lieutenant de fusiliers").

Toujours à titre de comparaison, le second (lieutenant de frégate) perçoit 70 livres, tout comme les deux autres lieutenants de frégate. Chez les officiers mariniers, le maître d'équipage et le maître canonnier perçoivent respectivement 60 et 55 livres. Les matelots perçoivent huit types de solde, de 20 livres (pour les gabiers) à 12 livres. Les mousses reçoivent 7 livres et 10 sols.

Intéressant, non ?

Thierry

Très instructif, merci.
Avons-nous une idée de la conversion en Euros ? Et du coût de la vie de l'époque.m

Michel. 100 livres de 1782 sont l'équivalent de 1 127 €, mais cela ne veut pas dire grand chose. C'est cinq fois la paie d'un matelot qualifié, qui est supposé pouvoir vivre avec.

Calculer le coût de la vie au XVIIIe siècle est extrêmement complexe. On sait que le salaire des femmes et des adolescents est la moitié de celui des hommes et celui des enfants, la moitié de celui des femmes.

Par exemple:

Six journées à aider à faucher au foin en 1741, c'est 2 livres 10 sols.
Une journée de couvreur pour réparer une toiture en 1749, 15 sols. La journée, c'est 10 à 13 heures de travail (comme ils ne parlaient pas l'anglais, ils ignoraient le burn-out).
Cinq journées de charron en 1742 pour un chariot neuf: 7 livres.

Un pain de 4 livres coûte de 5 à 12 sols (en moyenne 8 sols) selon que les récoltes céréalières sont abondantes ou mauvaises.

A titre de comparaison, Jean Boudriot indique dans la monographie du négrier l'Aurore (1784), les salaires suivants: capitaine, 150 l; capitaine en second, 90 l; lieutenants 60 et 50 l; chirurgien 60 l; maître d'équipage: 70 l; maître canonnier, 40 l. Les matelots sont mieux payés que sur le Dragon, 30 l, mais les campagnes de traite sont très longues.

Thierry. C'est très intéressant, en particulier la décomposition de la solde de notre ami le chevalier de l'Espine. Du fait de son grade, sa fonction correspond à ce que les Anglais dénomment Master & Commander. Je dis bien fonction puisque M & C est un titre temporaire, pas un grade.

Je n'ai pas le dictionnaire en question.

Merci Alain, c’est très intéressant. J’ai des chiffres pour la rémunération d’Abraham Duquesne à l’époque Ou il a monté le SR lors de sa mise à la mer.
Je vais comparer.

Bonsoir à tous,

Merci pour tous ces compléments !

Comme le Service historique de la Défense rouvre demain, j'irai consulter ledit dictionnaire qui est en libre accès dans la salle de lecture Louis XIV. J'en saurai alors peut-être un peu plus sur le chirurgien-major navigant Jacques Loué.

Amicalement,

Thierry

Bonjour à tous,

J'ai déjà effectué une recherche sur Geneanet, sans succès. Il y a de nombreuses occurrences et beaucoup de répétitions.

Il est également possible que l'orthographe du nom ait varié. C'est ainsi que je suis tombé sur un LOUAIS-Duverger Toussaint, chirurgien-major de la Marine né en 1741 à Etables-sur-Mer et décédé à Cherbourg-Octeville en 1802, marié en 1785 à Jeanne Louise Guillemain.

Reste à consulter le dictionnaire du SHD…

Wait and "sea" !

Thierry

Bonjour à tous,

Je rentre du SHD de Vincennes où j'ai pu consulter le fameux dictionnaire… dans lequel ne figure pas le sieur Jacques Loué.

J'ai donc sollicité l'accueil scientifique qui a épluché toutes les ressources numérisées pendant une heure… sans aucun résultat ! Coup de téléphone au responsable Marine : rien ! J'allais me rabattre sur les Archives nationales quand la personne de l'accueil scientifique a voulu tenter une ultime recherche dans un vieux fichier manuel et… Bingo !

J'ai donc commandé la cote en question que je ne pourrai pas consulter avant samedi prochain. Il devrait s'agir d'un simple dossier de pension, on verra bien.

Thierry

Tu es pugnace dans tes recherches Thierry.

Tu as raison Francis, comme Thierry, il ne faut jamais baisser les bras. J'ai cherché trois ans le prénom de Melle Caillou, jeune Créole de Bourbon (20 ans) qui a péri dans le naufrage du Saint Géran et a inspiré Bernardin de Saint Pierre pour la mort de Virginie. Même l'archiviste en chef de Port-Louis (Maurice) disait dans un documentaire diffusé sur Arte, nous avons cherché, nous n'avons jamais trouvé. Un jour que ma femme me voit faire la tronche, je lui explique mon problème. Elle revient cinq minutes plus tard et me dit: elle s'appelait Louise Augustine. Elle avait trouvé sur Geneanet.

En plus, j'ai bonne conscience en racontant cette anecdote, le père de Louise Augustine était chirurgien-major pour la Compagnie des Indes. Je reste donc dans le thème du sujet de Thierry.

A Thierry. Avec un peu de chance, le dossier de pension indiquera ses états de services. Loué soit le SHD!

Putain pour une fois que le SHD fait un miracle, il va falloir boire une bière.

Bonsoir Francis et Alain,

Merci pour vos apports !

Oui, la recherche en Histoire est "un métier" et pas aussi facile que voudraient le faire croire ceux qui ne font que répéter sans aucune vérification à la source ce qu'ont dit ou écrit des générations de "copieurs": l'ours qui a vu l'ours qui a vu l'ours, etc.

Quant au SHD, pour l'avoir pratiqué bien souvent depuis de nombreuses années, je serai moins sévère que toi, Michel. La critique est facile mais la vie quotidienne est "assez" compliquée à Vincennes, tout au long des 145 kilomètres linéaires d'archives… Et puis, il y a des gens formidables dans cette "boutique" très compliquée à diriger. J'en veux pour preuve cette femme qui m'a très aimablement renseigné aujourd'hui dans le cadre de l'accueil scientifique et qui n'a ménagé ni son temps ni sa peine pour finalement trouver où se cachait la cote du dossier de Jacques Loué, chirurgien-major navigant de la Marine.

Lorsque j'ai préparé ma thèse de doctorat sur les Spahis de La Horgne (soutenue à la Sorbonne en septembre 2016), j'ai pu consulter les dossiers administratifs des officiers de la 3e Brigade de Spahis pendant une année, dans le cadre d'une étude prosopographique. J'ai toujours été parfaitement "traité", tant par le personnel civil que par le personnel militaire du SHD. Une seule règle : faire preuve d'humilité car le spécialiste est "quelqu'un qui en connaît de plus en plus sur de moins en moins de choses"...

Amicalement,

Thierry

le Spahi a écrit:... Quant au SHD, pour l'avoir pratiqué bien souvent depuis de nombreuses années, je serai moins sévère que toi, Francis...

?  

Francis Jonet a écrit:

le Spahi a écrit:... Quant au SHD, pour l'avoir pratiqué bien souvent depuis de nombreuses années, je serai moins sévère que toi, Francis...

?  

Bonjour Francis,

Mille excuses, je voulais écrire "Michel" !

Sorry for that… c'est corrigé dans le texte initial et je viens de m'infliger 4 JA dont 2 fermes, sans compter le nettoyage des poulaines.

Thierry

Bonjour à tous,

Je suis allé ce matin au Service historique de la défense. Le dossier commandé était bien en place. La consultation a pris 10 minutes tout au plus : un seul document d'une page !

Ledit document a été établi par la municipalité des Sables en Vendée, le 2 Messidor An II (20 juin 1794).

On y apprend que Jacques Loüé (sic) a 37 ans, est né à Mareuil [Mareuil-sur-Lay-Dissais ?], district de La Roche-sur-Yon, département de la Vendée. Il avait donc environ 26 ans quand il servait comme chirurgien-major sur la corvette royale Dragon en Janvier 1783.

Ses parents étaient marchands de bois fournisseurs pour la Marine, et fermiers.

De 1778 à 1783, il sert sur les vaisseaux de la Marine en qualité de premier chirurgien.
De 1783 à 1790, il sert sur des vaisseaux marchands pour la Côte de Guinée en qualité de premier [chirurgien].
De 1790 à l'insurrection dans la commune des Clouseaux, il fait la chirurgie des pauvres à l'hôpital militaire des Sables, en qualité de chirurgien de la troisième classe.

Thierry

Bonjour à tous,

Grâce au document trouvé au SHD, je suis allé faire un tour sur les archives départementales en ligne de la Vendée (AD 85) où je viens de consulter les registres paroissiaux de la commune de Mareuil.

On trouve ainsi la date de naissance du Chirurgien de la Marine Jacques Loué : 7 février 1757.



Référence : AD 85, Baptêmes, mariages, sépultures 1743-1759, p. 102, cote AD2E135/1.

Dans le même registre figure en 1759 l'inhumation de son père (également prénommé Jacques), décédé à l'âge de 28 ans.

Thierry

Bonjour à tous,

Jacques Loué est mort aux Clouzeaux (village à environ 8 km au sud-ouest de La Roche-sur-Yon en direction des Sables d'Olonne) le 20 pluviôse An IX, c'est à dire le 9 février 1801. Il avait donc 44 ans et non 42 comme indiqué sur le document d'Etat civil ci-après. On apprend qu'il était célibataire.



Référence : AD 85, Décès Etat civil, An V-An IX, EDépôts069/4.

Thierry

Le nom de sa mère, peu lisible, est Jacquette Millet (Geneanet).

Sur l'insurrection des Clouzeaux: http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2013/08/30/27924849.html

Jacques Loué, resté célibataire, décède le 9 février 1801 aux Clouzeaux le 9 février 1801, âgé de 44 ans.

Désolé Alain pour cette question qui pourra te paraître idiote, mais j'ai tout lu et ne comprends pas : quel rapport entre les recherches de Thierry sur son chirurgien et l'insurrection des Clouzeaux ? À part l'époque.

Francis. C'est parce que le document qu'a trouvé Thierry au SHD y fait allusion. Thierry le note aussi dans son message de samedi 13h28.

N'ayant jamais entendu parler de cette insuŕrection auparavant et imaginant ne pas être le seul, j'ai mis le lien pour info. La guerre de Vendée, j'assure, mais pas commune par commune.

Merci.